vendredi 17 avril 2015

Dans la Brume

"Le plus beau sentiment du monde, c'est le sens du mystère. Celui qui n'a jamais connu cette émotion a les yeux fermés."

           Mademoiselle Obel a bien compris ce que notre cher et tendre Einstein tentait de faire entendre au reste du monde; car elle garde nos paupières et nos oreilles bien ouvertes, écarquillées devant ce nouvel album, ce petit bout d'âme.


           Aventine est un véritable jeu d'ombres, une partie de cache-cache, qui menace et apaise. Le mystère qui repose est très bien annoncé avec l'intriguant " Chord Left" qui figure en première position de l'album.
           Agnès Obel nous enchante avec son œuvre intimiste, produite dans un deux-pièces à Berlin. On pense notamment à "Dorian", où on reconnait évidemment dès les premières notes, les accords nostalgiques, joués les yeux mi-clos, biens connus des mélodies romantiques. Cependant on évite le pathos barbant grâce à la pureté et à la simplicité du rythme. On le sait bien, on fait passer beaucoup de choses dans les silences, à l'instar de celui présent à la fin de "Words Are Dead" dont le titre explique bien l'importance de cette respiration.
            Mais ce qui reste le plus agréable est cette voix satinée et chaude qui nous enveloppe. Au fil des chansons, elle se dévoile de plus en plus pour révéler différentes facettes, différentes émotions. La cassure dans la voix dès le premier mot dans "Run Cried The Crawling" est selon moi à tomber par terre. Ce petit éraillement dans la voix -qui est aussi repris entre les couplets par le violon- montre une faille, une faiblesse très émouvante. Cependant, au fur et à mesure de la mélodie, le chant prend de l'assurance et propose une intonation plus grave et plus puissante, preuve que nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec Agnès Obel.
          Là où la pianiste se fait la plus intrigante est sur l'instrumental "Fivefold" où elle crée un univers brumeux, menaçant, tribal, grâce aux rythmiques. La puissance se révèle même dans des compositions simples piano-violon-violoncelle. Cette force est dédoublée dans "Aventine" dont le rythme nous surprend et nous attrape. Mais ce qui fait la beauté de cette chanson est l'envolée des pizzicato contrastée à la présence grave du violoncelle. Cette opposition crée une musicalité nouvelle quasi inexplorée avant.
         On se rend bien compte dès les premières minutes de l'album que Agnès Obel fait preuve d'une très grande maitrise de la musique, de celle qu'on apprend depuis la naissance. Elle utilise des techniques instrumentales audacieuses notamment au violon avec par exemple le pizzicato, déjà cité plus haut qui consiste à pincer les cordes avec l'index de la main droite,  ou encore le col legno, qui consiste à frapper les cordes avec le bois de l'archet, constituant le "pouls" de l'album. 
Voici deux petites vidéos pour que vous puissiez repérer ce à quoi cela ressemble 
-Pizzicato
-Col legno (je m'excuse pour la qualité un peu "cheap" et la faute d'orthographe mais il me semblait que c'était la vidéo avec un meilleur son )

Il est évidemment clair que Aventine est un album qui fixe les vertiges. De ceux qui ne se laissent pas facilement oublier, qui ne se rangent pas dans les armoires, mais qui restent ouverts au bord de l'étagère et se réécoutent  sans jamais épuiser la beauté qui en émane.

Cet album m'a quelque peu fait penser à Yann Tiersen alors voilà pour vous : 
https://www.youtube.com/watch?v=AQmDGtgqnN8

A bientôt ! 

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