jeudi 4 juin 2015

The Life Is Perfect

"Everything Is Fine"

"The Life Is Perfect"

Voilà ce qu'on peut lire sur le tract distribué à l'entrée du théâtre lorsque vous vous apprêtez à assister à la pièce Sun du chorégraphe Hofesh Shechter.
Sun. Le Soleil. Lorsqu'on m'a proposé d'aller voir cette pièce, je me suis dit "très bien Juliette, ça à l'air léger, vas y, tu vas en ressortir aimant plus que jamais le ciel, les enfants, les papillons, enfin bref, la vie en général."
Grave Erreur! Encore une fois, je me suis faite avoir par quelques phrases pleines de bon sens et un titre lumineux.
Mais avant d'aller plus loin, présentons un peu ce grand génie d'Hofesh Shechter:


Né en 1975 à Jérusalem, il intègre à 15 ans l'Académie de Danse et de Musique de Jérusalem (ne vous y méprenez pas, c'est vraiment du High Level cette école, ils ont même leur propre acronyme : JAMD, et ouais les gars)
Il se joint à plusieurs compagnies notamment la Batsheva Dance Company puis se décide en 2002 à rallier le continent européen pour s'installer à Londres, estimant que c'est là-bas que ça se passe.
C'est à partir de là qu'il commence à constituer une troupe de danseurs et à créer ses propres pièces. Quand je dis créer, ce n'est pas uniquement la danse mais aussi la musique, toujours très rythmée, puissante voir tribale qu'il connait très bien ayant étudié la batterie et les percussions rythmiques avec Dante Agostini, le père du Tam-Tam franco-italien, pour ainsi dire.
Ses pièces sont toujours très sombres, très engagées comme par exemple Uprising, inspiré des émeutes dans les banlieues françaises en 2005.
Évidemment, je ne savais rien de tout cela avant d'aller voir la pièce.
Et c'est là, faisant son bonhomme de chemin, qu'en 2013, Shechter décide de créer une pièce .... heureuse! Ouais, il en a marre de râler le bonhomme en fait, de faire pleurer, d'appeler à la résistance tout ça tout ça. Il  se dit que ça pourrait être sympa aussi de se la jouer pépère, j'aime la vie, hymne au bonheur etc ... Et c'est là que rentre en jeu cette petite vidéo dans laquelle l'homme de la situation est interviewé et où il explique un peu la démarche de son travail :
 

"Tout va bien à la surface mais cela ne va absolument pas derrière les apparences, il y a un danger qui bouillonne à l'intérieur" 
Cette phrase détermine parfaitement l'ambiance de la pièce.

Shechter souhaitait réellement faire une pièce heureuse, vraiment, il me l'a même dit autour d'un café! Mais il n'a pas réussi. Son devoir de porte-parole a pris le dessus. 

Au début tout va bien, la musique est très légère, c'est très doux, les mouvements sont fragiles attentionnés, les danseurs sont là tels des enfants pas trop surs de leurs mouvements, naïfs et pleins de vérité à la fois. Puis ça se craquelle, une faille s'ouvre et là ça s'écroule. L'ambiance se tend, on est mal à l'aise dans nos sièges, on se tiens les mains, pendant que les images fortes se gravent à l'encre indélébile dans nos cerveaux. La musique est prodigieuse, puissante, battante, alarmante. 
Pour l'avoir vue, je ne pense pas que cette pièce souhaite dénoncer un fléau en particulier mais plutôt de nous mettre en garde contre les illusions que nous nous faisons. Il faut être conscient du monde qui nous entoure et ne pas s'ensevelir sous de beaux mensonges et des idéaux utopiques.


 Le costume de Pierrot, issu de la Commedia Dell'Arte est à mon avis symbolique, ce dernier étant naïf et rêveur, mais aussi honnête.

 Ce défilé militaire revient plusieurs fois dans la pièce, et ne peut être plus représentatif. 
Accompagné de la musique, je peux vous jurer qu'il glace le dos.

         
 Cette image est vraiment révélatrice pour moi. En danse, comme dans la vie d'ailleurs, j'ai toujours considéré la nudité comme une baisse de la garde, une vulnérabilité. Lorsque je vois ça, je pense viol, honte, manque d'affection, solitude. Mon cerveau s'emballe peut-être mais c'est vraiment mon ressenti.

       Encore une pièce d'où je suis ressortie bouleversée. J'aime lorsque l'art me fait cet effet, tout d'abord parce que je me sens super intellectuelle haha avouons-le, mais aussi car l'art nous aide à développer notre sensibilité, nos émotions, nos ressentis. Et à notre époque où les états d'âmes sont prohibés, je pense qu'il faut au contraire les faire valoir, les exploiter.
    Aussi, je vous conseille vivement, si vous en avez l'occasion, d'aller voir une pièce chorégraphique, ça en vaut réellement la peine. De s'imaginer que tout cela sort de la petite caboche d'un seul homme, c'est de la magie, de la folie pure.


Pour pas changer, voilà la musique de la fin, qui n'a d'ailleurs rien avoir avec cette article mais dont j'ai découvert l'artiste récemment et dont je suis tombée folle amoureuse : 

Roh allez, je vous en mets deux autres, vous pouvez vraiment pas passer à côté, je vous le jure:

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