jeudi 11 juin 2015

Leçon de couture

         Non, cet article n'est pas un tuto DIY "comment transformer sa chemise trop grande en une super jolie robe"- robe, qui au final sera mal découpée, ratée, super moche donc vite oubliée dans le fond de l'armoire, preuve de notre incroyable talent artistique.
        Non, ce n'est malheureusement pas aujourd'hui que vous apprendrez ce qu'est un point de croix, ou comment faire une boutonnière. Ceci dit, pour cela, il faudrait déjà que je sache moi-même le faire.
         Oui, après avoir fait quelques tours de réflexion dans votre boite crânienne, votre cerveau revient à sa place : nous parlerons bien d'un livre aujourd'hui. "Quel est donc le rapport avec la couture ?" vous demandez vous sûrement, agacés par ce tournage autour du pot. Patientez encore un peu, on y vient.

         Le livre dont il est question aujourd'hui est One Day écrit par David Nicholls en 2009 (ce n'est qu'un bébé littérature tout compte fait) et raconte une histoire.... d'amour. Et oui, je sais je sais, j'aurai bien aimé être un peu plus originale, de ceux qui disent "Oh moi, ça m'ennuie les histoires d'amour c'est toujours la même chose, je préfère largement les romans d'aventure ou je ne sais quoi encore " mais ce serait faux, pardi !


        J'AIME les histoires d'amour, j'aime quand on sait ce qui va se passer à la fin, j'aime quand les personnages sont beaux et stéréotypés ouiiii! (jugez, jugez, je vous laisse à vos messes basses. En attendant moi, je me passionne).
Nos personnages ici présents sont Emma et Dexter, Em et Dex pour les intimes. Et c'est là que l'histoire de couture, dont vous n'avez toujours pas compris l’intérêt (mais est-elle folle ? Oui sûrement), prend son sens.
   Au jeu du portrait chinois, Dexter est un blouson. Un blouson en cuir marron, avec des clous dorés dans le dos. Celui qu'on met tout le temps car on se trouve beau avec, celui dans lequel il y a une poche intérieure, et dans cette poche un briquet qu'on tend aux jolies filles perchés sur leurs escarpins. On a pas mal voyagé avec lui en Inde, en Europe, mais toujours à moto (élément essentiel de la vingtaine rebelle). Le blouson qu'on arrête de mettre passé la trentaine, qu'on ne s'est pas résolu à jeter et qu'on a rangé avec nos mémoires dans le grenier de notre jolie maison de notre jolie quartier que l'on a acheté grâce à notre joli salaire d'un métier qui brille mais est en toc. Une fois par an, on monte au grenier pendant que les enfants sont à l'école et Chérie à la gym, on le met et on se regarde dans le miroir en se rendant compte qu'on a abandonné. Abandonné quoi ? Aucune idée. Abandonné, c'est tout.
    Emma, elle, est une robe vichy jaune pâle. Un peu vieillotte, celle qui ignorait quel effet elle pouvait produire chez les garçons avant que Brigitte Bardot la porte et la transforme en un élément sensuel et essentiel des garde-robes. Cette robe, qui au premier coup d’œil, n'est pas évidemment belle. Un peu prude, arrivant au genoux, sans dentelle, sans fioritures ni mascarades, la robe dans laquelle on est à l'aise, celle qui passe pour tout. Un peu naïve aussi, celle qu'on met petite fille pour aller à l'école, qu'on a en trois exemplaires car même si c'était notre préférée, on revenait toujours tachée ou la robe trouée, en vrai petit monstre qu'on était. Celle qu'on continue à mettre adulte car justement, elle nous rappelle notre enfance, ce désir de vérité, d'optimisme et d'honnêteté.

       Voilà ce que ça fait quand on mélange les styles et les couleurs : un top, ou un flop (aussi appelé un fashion faux-pas, je t'aime Christina). Et ici, ça marche à merveille.
La trame de l'histoire commence le 15 juillet 1988, où ces deux âmes universitaires et enivrés se croisent pour une nuit, puis vont décider par peur des sentiments, arrogance et fierté mal placée de rester bons amis (la blague).
C'est ainsi que l'on va suivre la vie bourrée d'actes manqués de ces deux personnes, pendant vingt ans, le 15 juillet de chaque année étant un nouveau chapitre. Leur histoire s'enfile et se découd, les personnages se défilent et se piquent pour mieux se rafistoler après. Au fil du temps, leur relation est à la fois douce, soyeuse comme du velours mais aussi elle se chiffonne, elle gratte et ne tient pas à un fil.
C'est pour ça qu'on les aime, ces personnages. Ils sont comme nous, pas finis, voulant être à la mode, pas à l'aise dans leur peau, sans mode d'emploi pour apprendre à gérer les conflits de cœurs.

Ce livre a été adapté en film par David Nicholls lui même (étrange tout de même d'écrire un livre puis d'en faire un film, mais bon passons). Cependant, je ne peux strictement rien vous dire sur ce dernier car je ne l'ai pas vu. J’attends de finir le livre pour le voir et ne pas me gâcher la surprise. Cependant, je vous conseille tout de même de le voir rien que pour le choix d'Anne Hathaway dans le rôle d'Emma. Je trouve le choix de cette actrice extrêmement bon. En y réfléchissant, je n'aurais vu personne d'autre, sincèrement!


      Dernière petite chose avant de vous quitter : pour rendre ma prof d'anglais fière de moi, j'ai acheté ce livre en anglais (et oui et oui messieurs dames, je me proclame dès aujourd'hui bilingue; et ceci, sans fausse modestie bien évidemment) et si vous aimez lire et que vous avez déjà un certain niveau d'anglais (du style B1), je vous conseille d'essayer de lire en anglais.
      C'est vraiment un bon moyen de se faire du vocabulaire, et de comprendre la façon de parler courante, qu'on apprend pas forcément dans nos jolis manuels de cours où il y a toujours des personnes à têtes bizarre en couverture (Ne le niez pas).
      De plus, au niveau des feelings, le vocabulaire anglais est 1000 fois plus performant. En fait tu rajoute un "less" ou un "ful" à n'importe quel mot et paf t'as un adjectif, et si en plus là-dessus tu nous places un petit "ly" ça y est t'as un adverbe. Et c'est ainsi que "dans un sentiment d'impuissance" devient "powerlessly". Magique? Non, anglais :)
      Enfin, un récit dans sa langue d'origine sera toujours plus pertinent que dans sa version traduite par on ne sait qui, on ne sait où, qui aurait pu glisser n'importe quel petit mot où il le souhaite pour son simple plaisir personnel. Nous traversons une époque difficile, il faut apprendre à se méfier de tous, les traducteurs d'aujourd'hui sont les terroristes de demain!


Pour rester dans l'amour, la jeunesse, le temps qui passe et tout ce qui relève de la poésie élégiaque:
https://www.youtube.com/watch?v=KJ5miTHZXV8

Bonne chance à tous pour le bac !!!

jeudi 4 juin 2015

The Life Is Perfect

"Everything Is Fine"

"The Life Is Perfect"

Voilà ce qu'on peut lire sur le tract distribué à l'entrée du théâtre lorsque vous vous apprêtez à assister à la pièce Sun du chorégraphe Hofesh Shechter.
Sun. Le Soleil. Lorsqu'on m'a proposé d'aller voir cette pièce, je me suis dit "très bien Juliette, ça à l'air léger, vas y, tu vas en ressortir aimant plus que jamais le ciel, les enfants, les papillons, enfin bref, la vie en général."
Grave Erreur! Encore une fois, je me suis faite avoir par quelques phrases pleines de bon sens et un titre lumineux.
Mais avant d'aller plus loin, présentons un peu ce grand génie d'Hofesh Shechter:


Né en 1975 à Jérusalem, il intègre à 15 ans l'Académie de Danse et de Musique de Jérusalem (ne vous y méprenez pas, c'est vraiment du High Level cette école, ils ont même leur propre acronyme : JAMD, et ouais les gars)
Il se joint à plusieurs compagnies notamment la Batsheva Dance Company puis se décide en 2002 à rallier le continent européen pour s'installer à Londres, estimant que c'est là-bas que ça se passe.
C'est à partir de là qu'il commence à constituer une troupe de danseurs et à créer ses propres pièces. Quand je dis créer, ce n'est pas uniquement la danse mais aussi la musique, toujours très rythmée, puissante voir tribale qu'il connait très bien ayant étudié la batterie et les percussions rythmiques avec Dante Agostini, le père du Tam-Tam franco-italien, pour ainsi dire.
Ses pièces sont toujours très sombres, très engagées comme par exemple Uprising, inspiré des émeutes dans les banlieues françaises en 2005.
Évidemment, je ne savais rien de tout cela avant d'aller voir la pièce.
Et c'est là, faisant son bonhomme de chemin, qu'en 2013, Shechter décide de créer une pièce .... heureuse! Ouais, il en a marre de râler le bonhomme en fait, de faire pleurer, d'appeler à la résistance tout ça tout ça. Il  se dit que ça pourrait être sympa aussi de se la jouer pépère, j'aime la vie, hymne au bonheur etc ... Et c'est là que rentre en jeu cette petite vidéo dans laquelle l'homme de la situation est interviewé et où il explique un peu la démarche de son travail :
 

"Tout va bien à la surface mais cela ne va absolument pas derrière les apparences, il y a un danger qui bouillonne à l'intérieur" 
Cette phrase détermine parfaitement l'ambiance de la pièce.

Shechter souhaitait réellement faire une pièce heureuse, vraiment, il me l'a même dit autour d'un café! Mais il n'a pas réussi. Son devoir de porte-parole a pris le dessus. 

Au début tout va bien, la musique est très légère, c'est très doux, les mouvements sont fragiles attentionnés, les danseurs sont là tels des enfants pas trop surs de leurs mouvements, naïfs et pleins de vérité à la fois. Puis ça se craquelle, une faille s'ouvre et là ça s'écroule. L'ambiance se tend, on est mal à l'aise dans nos sièges, on se tiens les mains, pendant que les images fortes se gravent à l'encre indélébile dans nos cerveaux. La musique est prodigieuse, puissante, battante, alarmante. 
Pour l'avoir vue, je ne pense pas que cette pièce souhaite dénoncer un fléau en particulier mais plutôt de nous mettre en garde contre les illusions que nous nous faisons. Il faut être conscient du monde qui nous entoure et ne pas s'ensevelir sous de beaux mensonges et des idéaux utopiques.


 Le costume de Pierrot, issu de la Commedia Dell'Arte est à mon avis symbolique, ce dernier étant naïf et rêveur, mais aussi honnête.

 Ce défilé militaire revient plusieurs fois dans la pièce, et ne peut être plus représentatif. 
Accompagné de la musique, je peux vous jurer qu'il glace le dos.

         
 Cette image est vraiment révélatrice pour moi. En danse, comme dans la vie d'ailleurs, j'ai toujours considéré la nudité comme une baisse de la garde, une vulnérabilité. Lorsque je vois ça, je pense viol, honte, manque d'affection, solitude. Mon cerveau s'emballe peut-être mais c'est vraiment mon ressenti.

       Encore une pièce d'où je suis ressortie bouleversée. J'aime lorsque l'art me fait cet effet, tout d'abord parce que je me sens super intellectuelle haha avouons-le, mais aussi car l'art nous aide à développer notre sensibilité, nos émotions, nos ressentis. Et à notre époque où les états d'âmes sont prohibés, je pense qu'il faut au contraire les faire valoir, les exploiter.
    Aussi, je vous conseille vivement, si vous en avez l'occasion, d'aller voir une pièce chorégraphique, ça en vaut réellement la peine. De s'imaginer que tout cela sort de la petite caboche d'un seul homme, c'est de la magie, de la folie pure.


Pour pas changer, voilà la musique de la fin, qui n'a d'ailleurs rien avoir avec cette article mais dont j'ai découvert l'artiste récemment et dont je suis tombée folle amoureuse : 

Roh allez, je vous en mets deux autres, vous pouvez vraiment pas passer à côté, je vous le jure: